Depuis le 8 mars 1977, les Nations-Unies ont adopté une « Journée des Nations-Unies pour les droits des femmes et la paix internationale », plus communément appelée « Journée internationale des droits des femmes », dont le thème pour cette année est « Leadership féminin : pour un futur égalitaire dans le monde de la COVID-19 ». C’est une occasion de faire le point sur les luttes et les réalisations passées, et surtout, de préparer l’avenir et les opportunités qui attendent les futures générations de femmes, conformément au Programme de développement durable à l’horizon 2030, dont l’ODD 5 est exclusivement dédié à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes et des filles. Il se décline comme suit : « Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles ».
Où en sommes-nous avec les droits des femmes en République Démocratique du Congo (RDC) ?
- De la situation juridique de la femme
La situation juridique en RDC a connu une forte amélioration en faveur de la femme, particulièrement au cours de la dernière décennie. Rappelons qu’en 1960, à l’indépendance de la RDC, la femme congolaise n’avait pas le droit de vote ni d’être candidate à une quelconque élection. Il a fallu attendre l’Ordonnance-loi relative à la loi référendaire N°67-223 du 3 mai 1967 pour qu’on reconnaisse à la femme le droit de vote mais sans avoir le droit d’être candidate. Trois ans après, soit le 17 avril 1970, la femme congolaise a eu le droit d’être candidate aux élections.
Et aujourd’hui, la Constitution de 2006, telle que modifiée en 2011, reconnait aux femmes les mêmes droits que les hommes. Elle impose aussi aux pouvoirs publics de prendre, dans tous les domaines, toutes les mesures appropriées pour assurer le total épanouissement et la pleine participation de la femme au développement de la nation.
Toutefois, malgré ces évolutions, jusqu’en 2016, l’année de la révision du Code de la famille, la femme congolaise était privée des plusieurs droits pour son émancipation totale et son épanouissement.
Le nouveau code a permis à la RDC de s’aligner sur les engagements et instruments juridiques internationaux, notamment l’Agenda 2030 sur les Objectifs de Développement Durable, ODD en sigle, en élaguant des dispositions discriminatoires contenues dans l’ancien Code.
Il s’agit, entre autres, de la suppression de l’autorisation maritale, de l’obligation faite aux époux de s’accorder pour tous les actes juridiques dans lesquels ils s’obligent individuellement ou collectivement, la suppression du consentement au mariage des personnes autres que les époux ainsi que l’émancipation judiciaire.
Il ne fait nul doute que ces évolutions juridiques ont un impact sur la situation de la femme dans la sphère politique.
2. De la femme en tant qu’acteur politique
Globalement, la situation reste préoccupante.
Primo, depuis 1960, la proportion des femmes au Gouvernement n’a jamais dépassé les 20%. Secundo, il a fallu attendre 6 ans après l’indépendance, soit en 1966, pour voir une première femme, Madame Sophie LIHAU KANZA, être nommée Ministre des Affaires sociales. Tertio, la participation de la femme au Gouvernement reste marginale ou quasiment nulle pour certaines années, principalement entre les années 1960 et 2000. En moyenne, il n’y avait qu’une seule femme au Gouvernement pendant cette période.

Par ailleurs, les femmes ont essentiellement occupé les portefeuilles qui correspondent au rôle que la société d’antan leur accordait. Pour preuve, les femmes occupaient essentiellement les postes à caractère social.
En dépit de cette discrimination à l’égard de la femme, la promotion des droits des femmes ne constituait pas une priorité pour le Gouvernement. En effet, ce n’est qu’en 1985 qu’un Ministère des affaires des familles et Femmes fut créé. Néanmoins, des progrès sont perceptibles. En 2019 12 femmes font partie du Gouvernement. Un record, avec à la clé la responsabilisation des portefeuilles majeurs tels que le Plan, les Affaires étrangères, l’économie, etc. Aussi, c’est la première fois qu’une femme, Madame Elysée MUNEMBWE, a été élevée au rang de Vice-Premier Ministre.
Les inégalités en défaveur des femmes dans la sphère politique s’étendent également dans le domaine législatif.
En effet, la femme congolaise n’a eu droit de se présenter aux élections qu’en 1970, l’année où 12 femmes furent élues sur les 420 députés, soit près de 3%. Depuis, la part des femmes dans notre parlement n’a jamais franchi la barre de 14%, bien que la tendance soit à la hausse. En revanche, ce n’est qu’en 2019, soit près d’un demi-siècle après, qu’une femme a été élue, pour la première fois, présidente de l’Assemblée nationale.

Les dernières élections de 2018 ont aussi ressorti davantage de disparités : sur plus 15.350 candidats aux élections législatives nationales, moins de 13% étaient des femmes. En conséquence, sur les 500 députés qui constituent l’Assemblée nationale, seuls 60 sont des femmes, soit 13,2%. Un chiffre supérieur à la proportion des candidates. Preuve irréfutable que les femmes sont aussi capables de se faire élire.
Alors pourquoi si peu de femmes candidates ?
Est-ce qu’il existe des discriminations envers les femmes dans la population en général ? Est-ce que les partis et regroupements politiques discriminent-ils les femmes ? Y a-t-il d’autres facteurs qui contribuent à la sous-représentativité de la femme ?
La thèse de la discrimination, qu’elle soit sociétale ou politique, bien qu’elle ne soit pas à omettre complétement, on y reviendra un peu plus tard, n’est pas la seule cause de la faible représentativité des femmes dans les listes électorales. Cela est d’autant plus vrai, comme nous venons de l’évoquer, que la proportion des femmes élues est supérieure à celle des candidates. Aussi, mêmes les partis et regroupements politiques dirigés par les femmes ont aligné moins de femmes. Paradoxale n’est-ce pas ?
Alors quels sont les autres facteurs qui empêchent les femmes de concourir aux élections ?
La loi électorale est claire : Un candidat ou une candidate aux élections législative doit avoir un diplôme d’études supérieures ou universitaires ou justifier d’une expérience professionnelle d’au moins cinq ans dans le domaine politique, administratif ou socio-économique.
Regardant attentivement les données, il ressort que le niveau d’éducation joue un rôle prépondérant.
Les provinces avec un niveau de l’indice de parité scolaire au secondaire assez élevée sont celles qui ont aligné une grande proportion de femmes comme le montre le graphique.

Toutefois, même avec cette hypothèse, il reste toujours des facteurs inexpliqués. Il existe quelques provinces avec une parité au secondaire supérieure à la moyenne mais qui ont des faibles représentations des femmes.
Analysons davantage les données.
En regardant de près, il s’avère que la richesse a aussi un effet non négligeable. Les provinces les plus riches ont aussi une grande propension à aligner les femmes et vice versa. Comme le montre le graphique.

Mais, malgré tout, comme on l’a dit, la thèse de discrimination n’est pas complètement à écarter. Cela se reflète davantage dans la configuration par sexe des candidatures des partis et regroupements politiques ainsi que des indépendants. Les candidatures indépendantes regorgent plus de 17% de femmes contre une moyenne de 13% pour les partis et regroupements politiques. Certes, il existe des partis et regroupements politiques avec une grande proportion de femme mais cela cache des fortes disparités. Par exemple, un parti qui n’a aligné que deux à quatre candidats, en y insérant une ou deux femme, la proportion peut attendre ou dépasser facilement le 50%.